Pour mon troisième article de la série sur les aînés au parcours inspirant, j’ai choisi d’interviewer Diane Riendeau, une femme de 78 ans qui doit faire face à un trouble de santé mentale de son fils et qui a un métier extraordinaire : le soutien familial par les pairs. Elle effectue ce travail à la PASM (Perspective autonomie santé mentale).

 

J’ai rencontré Diane lorsque j’ai terminé ma formation sur le soutien par les pairs. Nous nous sommes rencontrés lors d’une réunion à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (IUSMM). Par la suite, j’ai ajouté Diane à mon réseau social.

 

Dans cet article, je vais parler du parcours de rétablissement du fils de Diane ainsi que du soutien familial par les pairs. Je terminerai en répondant à la question suivante : pourquoi Diane est un modèle inspirant dont l’être cher vit avec une maladie mentale.

 

 

Son fils avant la maladie

 

Diane est tombée enceinte par accident, mais elle voulait son enfant parce qu’elle ne prenait plus de contraceptifs. Son fils est né par césarienne parce que son rythme cardiaque était instable. Il s’agissait d’un bébé de faible poids mais qui a pris du poids normalement deux mois plus tard.

 

Diane souffrait de dépression post-partum : « J’étais tellement prise par mon bébé que je ne voulais pas que quelqu’un l’emmène, à part mon mari. Je ne voulais pas le laisser avec des inconnus, c’était ma possession. J’étais comme un loup qui défendait son petit. Elle trouvait également difficile de vivre avec trois personnes et elle se demandait si toutes les femmes vivaient cela. Quoi qu’il en soit, Diane n’était pas malheureuse et elle affirme sans l’ombre d’un doute qu’elle a apprécié son bébé pendant la petite enfance, l’enfance et le début de l’âge adulte.

 

 

 

Le début de la maladie de son fils

 

Au début de la vingtaine, son fils a été diagnostiqué schizophrène. Il consommait de la drogue et commençait à avoir des signes extérieurs, comme rire en lui-même : « Je le ramenais à l’université, il ne voulait pas s’asseoir sur le siège passager, il s’asseyait à l’arrière, et je voyais dans mon rétroviseur qu’il riait. »

 

Par la suite, il a été vu par un psychiatre avec ses parents. Le psychiatre essayait de lui donner des antipsychotiques mais il ne voulait pas les prendre parce qu’il ne se sentait pas malade. Il était devenu paranoïaque à propos de ses parents. Malgré cela, la psychiatre a pu le voir toutes les deux semaines dans une clinique externe.

 

 

La phase aiguë de la maladie de son fils 

 

À un moment donné, l’atmosphère à la maison est devenue très tendue : « Mon partenaire a failli en venir aux mains avec mon fils ». Le mari de Diane voulait le mettre à la porte, ce qui était hors de question pour Diane. Elle a demandé à l’assistante sociale de son fils de lui trouver un endroit où vivre « parce qu’on n’en peut plus ».

 

Finalement, une chambre s’est libérée au Centre espoir sur la Rive-Sud et son fils y a emménagé. Cependant, au bout de deux ans et demi, ils lui ont dit qu’il ne pouvait pas rester parce qu’il ne s’était pas suffisamment amélioré. L’assistante sociale du fils voulait qu’il reste en famille d’accueil, mais Diane n’était pas d’accord. Diane le voit davantage au Phare de Longueuil, où les chambres sont directement reliées au service social de l’hôpital.

 

En ce qui concerne le traitement, un jour, le psychiatre de son fils a demandé au tribunal une obligation de soins. Diane raconte : « J’ai témoigné contre mon fils. Il était tellement malade que même avec l’ordonnance du tribunal, il a accepté d’aller dîner avec nous le soir.

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Le chemin de la guérison de son fils  

 

Le fils de Diane a ainsi évolué favorablement au Phare. Il y est resté 5 ans et demi et y a même travaillé dans le cadre d’un programme d’action PAAS. Depuis trois ans, il vit dans un organisme anglophone à Saint-Lambert, dans un appartement de 5 ans et demi avec deux autres colocataires. Depuis 1 an, il travaille comme commis dans une pharmacie. Il reçoit une injection d’antipsychotique toutes les 5 semaines.

 

 

Comment Diane est devenue une famille de soutien par les pairs

 

Au fil du temps, Diane est devenue mieux équipée pour faire face à la schizophrénie. Elle a commencé à fréquenter des associations pour des proches, la SQS (Société Québécoise de la schizophrénie), à participer à des groupes d’entraide et à assister à des conférences à l’Institut Douglas. Elle s’est dit : il va vivre le reste de sa vie avec ça, j’ai besoin de comprendre sa maladie.  

 

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Un jour, le directeur de la SQS envoie une note aux membres pour leur dire qu’il y avait une formation pour devenir un soutien familial par les pairs. La formation a été donnée par Nathalie Lagueux et Sandrine Rousseau de l’AQRP (Association Québécoise pour la réadataption psychosociale). Même si elle a trouvé la phase aiguë de la maladie de son fils difficile, Diane s’est sentie mieux dans son parcours de rétablissement en tant que mère. Elle a donc décidé de franchir le pas.

 

 

Le rôle du soutien familial par les pairs

 

Selon Diane, le soutien familial par les pairs est un mentor ou un modèle pour les familles dont un proche vit avec un trouble de santé mentale. L’entraide familiale doit se révéler avec finesse : « Ce matin, j’avais une mère, elle voulait être une sauveuse, comme je voulais sauver mon fils. » Ils doivent aussi écouter activement les expériences exprimées par ceux qui les entourent. Le soutien familial par les pairs donne de l’espoir. Pour ce faire, Diane propose à son entourage de rencontrer un pair aidant qui vit avec la schizophrénie : « C’est comme un tunnel, il y a une lumière au bout mais elle est petite. Vous le verrez, en rencontrant un pair aidant, la lumière va s’agrandir.

 

La famille pair-aidant parle des étapes de la guérison : « Moi aussi, j’étais comme toi, sous le choc, j’ai été dans le déni. » Elle invite son entourage à s’inscrire à des conférences ou elle propose des livres pour mieux comprendre la maladie.

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La place de l’entraide familiale au sein de l’équipe de traitement

 

L’entraide familiale par les pairs a aujourd’hui une place importante dans l’équipe de soins mais cela n’a pas toujours été le cas : « Au début, je n’avais même pas le droit d’entrer au poste des infirmières. Les professionnels n’avaient jamais vu de soutien familial par les pairs et ils ne connaissaient pas bien mon rôle. Diane raconte même qu’à l’IUSMM, une assistante sociale lui a dit qu’elle prenait son poste. À ce jour, le rôle de l’entraide familiale par les pairs est mieux connu. Ils participent à des rencontres pluridisciplinaires à la demande du psychiatre ou de la famille, à condition que l’être cher soit d’accord. Ils rencontrent les familles qui leur sont référées par les professionnels.

 

 

Ce dont Diane est la plus fière

 

Diane est fière de tout ce que son fils a accompli, même avec les limites imposées par sa maladie. Elle est fière de ce qu’elle est devenue : « Je suis venue de loin, je pleurais dans mon sous-sol en me demandant ce que j’allais faire de mon fils. Ensuite, j’ai appris à l’accompagner, à lui présenter des choses. Elle est également fière de son partenaire malgré leurs différences. Il s’est inscrit à des formations pour mieux comprendre son fils, et un jour, il a même pu parler de la maladie mentale avec ses collègues.

 

 

Pourquoi, selon moi, Diane est un modèle pour les familles qui ont des proches atteints de maladie mentale

 

Diane est un modèle pour les familles dont un être cher est atteint de maladie mentale parce qu’elle a réalisé qu’elle ne pouvait pas sauver son enfant, mais qu’elle pouvait être avec lui. Au début, elle a vécu le choc du diagnostic, de la colère et du déni. Ensuite, elle a appris à vivre avec son fils, qui est différent de celui qu’elle a connu au début, avec ses forces et ses faiblesses.

 

Diane s’est investie dans le rétablissement de son fils et dans son propre rétablissement en tant que mère. Elle a beaucoup appris sur la maladie et s’est impliquée dans des associations pour les proches. Au fil du temps, elle a su prendre sa place au sein des équipes de soins. Enfin, elle est toujours curieuse d’en savoir plus sur la santé mentale.

 

 

 

19 octobre 2023 — Jeanna Roche