Femme de 79 ans atteinte de 5 maladies chroniques : hypertension artérielle, diabète de type 2, ostéoporose, arthrose et maladies pulmonaires. Sur la base des recommandations de bonnes pratiques, ce patient reçoit 12 médicaments différents.

 

Chez les personnes âgées, de nombreuses pathologies telles que celles évoquées ci-dessus justifient l’association de plusieurs médicaments pour un traitement optimal. Ces associations ont amélioré le pronostic de maladies qui seraient autrement associées à une mortalité prématurée.

 

Cependant, la polymédication chez les aînés est-elle toujours nécessaire, voire sécuritaire ?

 

Nous allons voir dans cet article que ce n’est pas toujours le cas.

 

Nous verrons que la polypharmacie est un problème de santé publique reconnu et bien documenté. Citons les cas aux États-Unis, où 30 % des hospitalisations de personnes âgées sont liées à la consommation de médicaments et à leurs effets indésirables.

 

La polymédication est un phénomène croissant, qui s’explique notamment par l’augmentation des maladies chroniques et l’augmentation de l’espérance de vie.

 

 

Qu’est-ce que la polymédication ?

 

Du point de vue de la quantité, la polymédication correspond à la prise simultanée de 3 médicaments ou plus. D’autres considèrent qu’il s’agit de la prise simultanée de 5 médicaments ou plus.

 

Du point de vue de la qualité, la polymédication est l’utilisation de médicaments inappropriés ou qui ne sont pas cliniquement indiqués.

 

 

Types de polymédication

 

1) Polymédication simultanée : il s’agit du nombre moyen de médicaments pris au cours d’une journée donnée.

 

2) La polymédication cumulée : c’est la somme de tous les médicaments administrés pendant une période donnée, le plus souvent 3 mois.

 

3) La polymédication continue : il s’agit de médicaments pris de manière prolongée et régulière.

 

 

La nature de la polymédication

 

D’après la littérature, les maladies les plus fréquemment responsables des consultations (et donc soumises à prescription) concernent le système cardiovasculaire, le système nerveux central, les pathologies digestives et le système ostéoarticulaire.

 

 

 

Circonstances favorables à la polymédication

 

Certaines circonstances favorisent la polymédication. Par exemple, une personne âgée qui consulte plusieurs médecins et obtient autant d’ordonnances sans informer le prescripteur de ce qui a déjà été prescrit. Ou encore une personne âgée qui fait affaire avec différentes pharmacies communautaires qui ne partagent pas leurs dossiers pharmaceutiques. L’automédication, c’est-à-dire la prise de médicaments sans ordonnance du médecin, peut également favoriser la polymédication.

 

 

La polymédication en CHSLD

 

Par contre, il est bien connu que la polymédication est fréquente chez les aînés en CHSLD. Ils consomment en moyenne 14 médicaments. Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’il s’agit d’une population fragile, tant au niveau des effets secondaires des médicaments que des changements physiologiques chez ces patients qui réduisent l’élimination des médicaments et augmentent ainsi leur toxicité.

 

 

Les conséquences de la polypharmacie

 

Il est bien établi que la polymédication peut altérer la qualité de vie des aînés tout en précipitant un déclin fonctionnel. Il est clairement associé à un risque accru d’effets indésirables, de surdoses, d’interactions médicamenteuses et d’erreurs de prise de médicaments. Elle peut entraîner une diminution de l’observance thérapeutique.

 

 

La polypharmacie est également associée à une augmentation de la fréquence des chutes et des fractures fémorales chez les personnes âgées. Il est à noter que l’utilisation d’antidépresseurs, de benzodiazépines et de diurétiques est souvent à l’origine de chutes chez les aînés.

 

 

Associée aux changements physiologiques du vieillissement, la polymédication augmente le risque de morbidité et même de mortalité.

 

 

Les coûts économiques

 

Non seulement la polymédication a un impact sur la vie d’un patient, mais elle génère également des coûts économiques. Les hospitalisations causées par des effets indésirables des médicaments contribuent à l’augmentation des coûts et à la diminution de l’efficacité des soins.

 

 

Pistes pour améliorer la prescription

 

Le critère MAI (Medication Appropriateness Index) permet de s’interroger sur l’indication, la précision, les modalités, la posologie, les interactions entre médicaments, la présence d’une double prescription ainsi que la durée d’un traitement.

 

Deuxièmement, l’utilisation d’un système informatisé d’aide à la prescription peut améliorer la qualité des ordonnances en signalant les interactions dangereuses et les dosages inappropriés.

 

Troisièmement, la prise en charge par une équipe gériatrique pluridisciplinaire est aussi l’occasion de faire le point sur la prise en charge globale du patient.

 

Enfin, la présence d’un pharmacien de clinique au sein d’une équipe multidisciplinaire apporte une valeur ajoutée aux mesures citées ci-dessus.

 

 

Conclusion

 

La polymédication est la prise de plusieurs médicaments et se mesure de trois manières différentes. Les consultations multiples et l’automédication peuvent favoriser la polypharmacie. Cela entraîne de nombreuses conséquences néfastes au niveau individuel (par exemple, déclin fonctionnel, effets indésirables, interactions médicamenteuses, chutes, etc.) et au niveau économique.

 

Nous avons également vu des moyens d’améliorer la prescription, comme les critères MAI ou un système informatisé d’aide à la prescription.

 

Il peut également être judicieux de rechercher des alternatives aux prescriptions de médicaments (par exemple, la nutrition).

 

Dans le même ordre d’idées, nous avons le droit de nous demander « Faut-il tout traiter, tout le temps et jusqu’à quand ? »

 

Il faut donc espérer que les médecins et les pharmaciens viendront déprescrire les médicaments qui ne sont pas adaptés, tout en faisant équipe avec des patients âgés.

 

01 mars 2025 — Jeanna Roche