Les organismes communautaires de santé mentale jouent un rôle très important dans l’établissement d’un filet de sécurité sociale. Nous avons besoin de ces lieux de rassemblement, de rencontre, d’aide et de soutien à la communauté.

 

Afin de tisser des liens entre le Groupe Innova et le milieu de la santé mentale, j’ai réalisé quatre entrevues avec des membres et des membres du personnel du Projet PAL, un organisme à but non lucratif (OBNL) bien implanté dans la communauté de Verdun.

 

Cet article se concentrera sur l’histoire du Projet PAL, sa mission, sa contribution à la communauté, ses succès et ses défis, ainsi que les perspectives uniques du personnel et des membres.

 

 

Histoire

 

En 1974, de nombreux commerçants de Verdun dénoncent des problèmes d’itinérance. Pour s’attaquer à ce problème, le travailleur social Stan Herman a été embauché pour mener une étude sur les problèmes sociaux à Verdun. Le rapport de M. Herman indiquait qu’il n’y avait aucun problème avec les gens. Le problème, c’est qu’il n’y avait pas de service. Des personnes sont sorties d’hôpitaux psychiatriques sans aucun groupe communautaire, logement ou services adéquats.

 

Stan Herman, assisté d’un travailleur social du CLSC de Verdun et d’une vingtaine de personnes ayant des problèmes de santé mentale, a fondé le Projet PAL en 1975. La mission principale du Projet PAL était de trouver des logements adéquats et abordables pour les personnes ayant des problèmes de santé mentale. Projet PAL est un organisme alternatif en santé mentale créé par des membres avec soutien.

 

 

Mission

 

La mission du Projet PAL est de répondre aux besoins des personnes ayant des problèmes de santé mentale dans le sud-ouest de Montréal. Le Projet PAL intervient au niveau du logement, de la pauvreté, de la justice sociale et de l’isolement. L’organisation aide ses membres à trouver un but dans la vie, à se rassembler et à rencontrer de nouvelles personnes. Il aide les personnes ayant des problèmes de santé mentale à avoir une voix et un statut et à retrouver leur place en tant que citoyens. Le Projet PAL aide ses membres à retrouver leur dignité humaine.

 

 

Contribution à la communauté

 

Le Projet PAL a un impact positif indéniable sur ses membres et sur la communauté du sud-ouest de Montréal. Selon un membre, les repas communautaires peuvent aider beaucoup de gens : « J’apporte toujours l’histoire du déjeuner le jeudi. Tout membre du Projet PAL peut postuler. C’est un bon repas, et c’est agréable de manger quelque chose de bon et chaud avec un bon dessert. ''

 

 

L’organisme est très actif dans le volet habitation avec le Carrefour autonomie PAL (CAP), logis-PAL et Sous le toit de PAL car ses membres ont nommé le besoin de logements abordables et sécuritaires.

 

Le Projet PAL est également présent sur plusieurs comités à Verdun, tels que la Table des partenaires en santé mentale ou le CACV (Comité d’action des citoyens de Verdun). C’est au sein de ces comités que les décisions sont prises pour les citoyens, et le Projet PAL s’assure que les besoins des personnes ayant des problèmes de santé mentale sont pris en compte.

 

Le directeur du Projet PAL souligne que l’organisme peut parfois sensibiliser la communauté policière sur l’approche à adopter auprès des personnes en situation d’itinérance ayant des problèmes de santé mentale : « Il y a beaucoup plus de sans-abri à Verdun qu’à mes débuts. Avant, ils étaient plus au centre-ville. Aujourd’hui, on voit des sans-abri vivre sur la plage de Verdun ou sur le parking de Wellington. ''

 

 

Les bons coups

 

 

Sous le toit de PAL

 

Une bonne chose du Projet PAL est la création de Sous le toit de PAL en 2012. Sous le toit de PAL s’adresse aux personnes à risque d’itinérance et en manque d’autonomie. Lors de la création de cette ressource de logement, il y a eu des négociations difficiles avec le réseau de la santé et l’OMH (Office municipal d’habitation) afin que le Projet PAL ait une autonomie dans le choix des résidents.

 

 

La pandémie de covid-19

 

Autre bonne nouvelle, le Projet PAL a habilement résisté à la pandémie de covid-19, mais dans les limites de ses ressources d’hébergement et dans le halte-accueil (centre communautaire où se déroulent les activités). L’équipe de travail a travaillé très fort pour ajuster les services pendant cette période inhabituelle.

 

Les membres ont également fait preuve d’une grande résilience pendant la pandémie. Certains ont dit : « Cela n’a pas beaucoup changé pour moi. Même que je trouve que les gens comprendront comment je vis tout le temps. J’ai déjà passé beaucoup de week-ends seul. Je n’ai aucun contact avec ma famille, je n’ai pas de petit ami et le restaurant pour moi est quelques fois par an. ''

 

 

Une approche orientée solution (SOA)

 

Au cours des dernières années, le Projet PAL a mis en place l’approche SOA (approche orientée solution), une approche thérapeutique dont la directrice se dit fière :

 

« Nous avons toujours nos couleurs d’approche alternative sans diagnostic, centrée sur la personne et ses forces. Mais avec SOA, nous avons beaucoup plus d’outils. Nous sommes l’un des premiers OBNL à Montréal à utiliser cette approche dans tous les aspects de l’organisation. Pour les employés, pour le soutien communautaire des membres, c’est très enrichissant pour l’organisation en général. ''

 

Le directeur ajoute : « Quand tu fais une entrevue avec quelqu’un, même si la personne n’a pas obtenu le poste, ou que le membre n’avait pas la place en tant que résident à Sous le toit de PAL, la personne dit qu’elle s’est sentie bien pendant l’entrevue. C’est parce que nous essayons de trouver les forces et que nous nous appuyons sur les bons mouvements de la personne. ''

 

 

Dans l’approche SOA, nous nous demandons toujours : ''Quel est notre meilleur espoir? ''

 

 

ACTION-PAL

 

PAL-Action a été récemment mis en œuvre et s’inspire du programme gouvernemental PAAS-Action. L’objectif de Pal-Action n’est pas seulement le retour au travail, mais ce programme a aussi un but thérapeutique. Le coordonnateur du programme se concentre sur le développement social, personnel et culturel. Nous souhaitons que les ateliers et les activités soient diversifiés. ''

 

L’horaire de PAL-Action se compose de 15 heures à l’organisation et de 5 heures de travail personnel à domicile. Le travail personnel peut être, par exemple, de socialiser davantage ou de créer un emploi du temps à la maison. Les 15 heures de l’organisation sont rémunérées en tant que PAAS-Action.

 

Le Projet PAL a également mis sur pied un projet pilote qui consiste en une action PAL à temps partiel. C’est moins d’heures que le PAL-Action habituel et la rémunération est de moitié. Le personnel a mis sur pied ce projet pilote parce qu’ils se sont rendu compte que 15 heures à l’organisation, ce n’est pas possible pour tout le monde en termes d’énergie et de motivation.

 

La coordonnatrice du programme dit : « L’une des choses qui me rend vraiment heureuse et qui me dit que c’est un programme qui apporte des avantages, c’est qu’il y a des gens qui en sont à leur deuxième année qui le font. Cela me dit que c’est quelque chose qu’ils aiment et qu’ils voient un changement dans leur vie. ''

 

 

Les défis du Projet PAL

 

 

Collaboration avec la Société d’habitation du Québec (SHQ)

 

Afin d’assurer la pérennité de logis-PAL, Projet PAL a établi un partenariat avec la SHQ. Cependant, cette collaboration est parfois difficile en raison d’un manque important de financement de la part de la SHQ. Il est également difficile d’avoir une bonne communication avec cette entité car les conseillers changent souvent et Projet PAL n’obtient pas toujours une réponse à ses courriels.

 

 

Inflation

 

Le directeur signale que le coût de la vie a augmenté pour les membres et qu’il y a une détresse importante. De plus en plus, elle entend ceci : « Je n’arrive pas à joindre les deux bouts. C’est la fin du mois. Je suis quelqu’un qui est normalement bon avec son budget, mais maintenant je n’arrive pas à joindre les deux bouts. Par conséquent, les membres doivent dépendre davantage des banques alimentaires, qui sont déjà débordées.

 

 

Trouver de nouveaux employés

 

Trouver de nouveaux employés est un véritable défi pour la direction de l’organisation : « Dans le passé, j’avais une grille d’évaluation pour les CV, il y avait de la place pour 60 CV. Maintenant, j’ai de la place pour 20, 10. Si j’en reçois 5 c’est bien. Sur les 5, il y en a deux qui ont un peu d’expérience, et si ces deux personnes ne sont pas embauchées ailleurs. C’est pourquoi le Projet PAL tente d’améliorer les conditions de travail des employés pour donc les attirer et les retenir.

 

 

Le personnel

 

 

Parcours professionnel

 

Un employé qui a étudié en théâtre travaille au Projet PAL pendant un peu plus de trois ans. Avant de rejoindre l’organisation, elle a fait un burn-out dans une grande entreprise où l’aspect humain manquait. C’est dans ce contexte qu’elle a commencé à chercher un emploi stable ''qui nourrirait son âme''. Elle voulait un emploi qui serait accessible et qui lui permettrait d’aider les autres. Elle s’est alors tournée vers la communauté : « Quand j’ai fait un projet communautaire avec le CJE (Carrefour jeunesse emploi), je suis tombée tellement amoureuse de la communauté de Verdun. ''

 

La réalisatrice, qui a beaucoup voyagé et a été actrice et fleuriste, a quant à elle développé très tôt le goût de la démocratie. Au milieu des années 80, alors que la désinstitutionnalisation était en cours et qu’il y avait beaucoup de patients à l’extérieur des hôpitaux et peu de services, elle a postulé pour un poste de travailleuse sans rendez-vous. Elle a également été l’une des premières travailleuses à travailler dans le domaine du logement.

 

 

Pourquoi travailler au Projet PAL ?

 

Le directeur aime les membres du Projet PAL pour leur charme, leur honnêteté et leur intégrité. Il y a un lien entre ses valeurs et celles des membres. Ses amis lui disent qu’elle travaille avec une population difficile mais elle ne le croit pas. Elle dit que dans son travail, elle peut être elle-même. De plus, ses tâches sont variées et elle a la possibilité de travailler parfois de la maison, ce qui améliore sa qualité de vie.

 

Un intervenant trouve intéressant que le Projet PAL soit un centre communautaire alternatif ouvert non seulement à la psychologie, mais aussi à différents types d’activités et de thérapies. Elle aime que chaque membre de l’équipe puisse apporter ses connaissances et ses outils. Le fait que le Projet PAL soit bilingue en fait un milieu rassembleur et accessible.

 

 

Le Projet PAL encourage également la conciliation travail-études et la conciliation travail-famille ainsi que la formation des employés. Travailler au Projet PAL vous permet d’utiliser votre créativité.

 

 

Intégration dans l’équipe

 

La personne interrogée a déclaré qu’elle se sentait très bien intégrée dans l’équipe. Durant ses trois premiers mois de travail, le réalisateur l’a rencontrée toutes les semaines pour parler de son intégration. Maintenant, les deux femmes se rencontrent quand il le faut. Il y a aussi des réunions d’équipe une fois par semaine : « Nous nous demandons ce que nous pouvons faire pour nous soutenir et nous aider les uns les autres. » L’intervenante admet toutefois qu’il lui était difficile au début de comprendre les services et la structure de l’organisation (ex. : les partenaires, la différence entre les différents logements).

 

 

Le défi de fixer des limites

 

Une travailleuse rapporte qu’elle a parfois de la difficulté à fixer des limites avec les membres : « Les membres me disent parfois des choses qui sont vraiment personnelles. Il est parfois difficile de prendre ses distances. En tant que travailleur, je veux donner, aider, mais je ne peux pas le faire pour nos 200 membres. Parfois, je dois me référer. D’autres fois, je dois dire non et dire à la personne que je ne peux pas l’aider plus que je ne l’ai aidée. ''

 

 

À l’avenir...

 

Dans un an et demi, la réalisatrice prendra sa retraite et elle devra faire le deuil de sa carrière. À la retraite, elle aimerait voyager et siéger au conseil d’administration d’un organisme de justice sociale. Grâce à sa vaste expérience en santé mentale, elle dit qu’elle a développé une capacité à parler aux gens.

 

Le travailleur interviewé souhaite que le programme PAL-Action soit mieux connecté aux autres organismes et à la communauté. Retirer les activistes PAL du Projet PAL afin qu’ils soient plus visibles. Le travailleur a l’intention de rester avec le Projet PAL à long terme et aimerait postuler pour d’autres postes tels que directeur ou animateur dans les ressources d’hébergement.

 

 

Membres

 

 

Logement

 

Un membre a déclaré que, contrairement à son ancien appartement de Saint-Henri, c’est un calme de plat dans son appartement de Sous le toit de PAL. Le fait qu’il ne paie que 256 $ par mois l’aide beaucoup à gérer son épargne. Il dit qu’il est plus indépendant qu’à Saint-Henri puisqu’il fait maintenant ses courses tout seul (sans ses parents) et qu’il a assez d’argent tout au long du mois pour survivre.

 

Son appartement actuel lui procure également une stabilité psychologique : « J’ai un diagnostic de schizophrénie. J’ai été hospitalisé à plusieurs reprises lorsque j’habitais à Saint-Henri. Je finissais toujours à l’hôpital. Maintenant, cela fait presque deux ans que je vis ici et je n’ai même pas été hospitalisé une seule fois. ''

 

 

Activités

 

Projet PAL offre à ses membres plusieurs activités : cafés-rencontres, déjeuners communautaires, sorties à Montréal ou à l’extérieur de la ville, groupe de soutien en santé mentale, etc. Un membre dit que ce qui l’aide à s’intégrer aux autres, c’est ''Les travailleurs sont là à chaque fois, c’est comme des modérateurs, ils gèrent bien les groupes. Aller aux activités de Projet PAL lui permet de lutter contre la dépression et les pensées suicidaires et l’oblige à prendre soin de son hygiène.

 

Ce même membre est d’accord pour dire qu’il est bénéfique que les travailleurs poussent les membres à faire des activités, mais pas excessivement : « Le travailleur qui était responsable de mon dossier chez Sous le toit de PAL m’a fortement poussé à faire du bénévolat et à m’impliquer dans toutes sortes de choses. Les activités du Projet PAL me suffisent.

 

 

Témoignage d’une proche aidante

 

Une proche aidante qui a siégé au conseil d’administration de Projet PAL trouve que les membres du Projet PAL sont plus intéressants que les personnes qui n’ont pas de problèmes de santé mentale : « Quand quelqu’un prend sur soi de les écouter, de leur donner de l’attention, c’est un privilège pour eux parce qu’ils sont dans leur coquille. ''

 

Voici le témoignage de cette proche aidante : « J’étais divorcée. Ma femme avait la maladie d’Alzheimer. Elle s’était remariée mais son mari est mort. Nous nous sommes rendu compte qu’elle oubliait des choses. Les enfants, c’était à eux de s’occuper de leur mère, je suis divorcée. Mais quand j’ai vu que les choses se détérioraient, je l’ai convaincue de venir au Projet PAL. On lui a confié des tâches telles que faire la vaisselle. Elle a anticipé toute la semaine le jour où il y aurait des repas, parce qu’elle faisait la vaisselle. Elle est restée au Projet PAL pendant trois ans. Nous avons fait des sorties comme aller à la cabane à sucre ou cueillir des pommes. Quand elle est décédée, j’ai fait un arrangement avec Projet PAL, on a dit aux gens de ne pas donner de fleurs, mais de faire un don à Projet PAL. Tu lui as donné du plaisir, tu lui as donné du bonheur. Vous lui avez donné une raison de vivre. Il n’y a pas de prix pour cela. ''

 

 

Conclusion

 

Dans les années 1970, lors de la désinstitutionnalisation, il n’y avait pas de services à Verdun pour les personnes ayant des problèmes de santé mentale. C’est donc pour s’attaquer à cette problématique que le Projet PAL a été créé. En effet, la mission actuelle du Projet PAL consiste à répondre aux besoins des personnes ayant des problèmes de santé mentale dans le sud-ouest de Montréal.

 

Cet article soulignait que l’organisation a un impact très positif sur ses membres et la communauté. Le Projet PAL a connu plusieurs succès tels que la création de Sous le toit de PAL, la mise en place de l’approche AOS et de PAL-Action. L’organisation est également confrontée à des défis tels que le manque de financement, l’inflation ou la recherche de nouveaux employés.

 

Les travailleurs ont des antécédents divers et ont à cœur le bien-être des membres. Ils apprécient les ressources en matière de logement et les activités d’accueil. Ces services améliorent véritablement leur qualité de vie.

19 mars 2025 — Jeanna Roche